Partie 1 de la courte histoire de l’accessibilité dans le transport aérien commercial au Canada
La collection d’Ingenium – Musées des sciences et de l’innovation du Canada comprend un grand nombre d’avions à vocations variées, de l’expérimentation scientifique à la guerre, en passant par le transport commercial. De nombreux articles publiés au fil du temps sur le Réseau Ingenium ont exploré l’histoire et les détails techniques fascinants de ces aéronefs, mais celui-ci se penche plutôt sur une autre facette importante de l’histoire de l’aviation au Canada : les passagers. Plus précisément, cet article examine comment les lois sur l’accessibilité et la conception des avions ont déterminé qui pouvait accéder au transport aérien, et les interactions que cela a entraînées entre les passagers handicapés et les compagnies aériennes. Cet article est le premier d’une série sur l’accessibilité du transport aérien, mettant l’accent sur le côté législatif de cette histoire.
Les années 1980 : une ère d’optimisme
Cette histoire commence au début des années 1980. Cela peut sembler étrange, puisque le transport aérien commercial a débuté plusieurs décennies auparavant, mais une grande partie de la législation canadienne sur l’accessibilité s’est appuyée sur la Charte des droits et libertés. Adoptée en 1982 dans le cadre de la Loi constitutionnelle, la charte prescrit que chacun a droit à une « égalité de bénéfice et protection égale de la loi » sans discrimination fondée sur des « déficiences mentales ou physiques ». Cela a établi un fondement juridique sur lequel les législateurs et les défenseurs des droits des personnes handicapées ont pu s’appuyer pour militer pour des lois plus poussées.
C’est en partie aux défenseurs des droits des personnes handicapées que l’on peut attribuer l’inclusion, à la toute dernière minute, du handicap comme motif de protection dans la Charte des droits et libertés. Le 3 novembre 1980, des membres de la Coalition des organisations provinciales ombudsman des handicapés – renommée le Conseil des Canadiens avec déficiences en 1994 – organisent une manifestation sur la colline du Parlement, à Ottawa. Leur principale revendication était l’inclusion des personnes handicapées en tant que groupe protégé par la charte. Leur militantisme leur a valu d’être invités à agir en tant qu’observateurs dans l’élaboration d’Obstacles, un rapport du Comité spécial concernant les invalides et les handicapés de l’époque. Ce rapport contient de nombreuses recommandations visant les lois fédérales sur les personnes handicapées en ce qui concerne la protection des droits de la personne, les loisirs, le logement, l’emploi et le transport. Au bout du compte, l’inclusion de la situation de handicap dans la charte en tant que motif de protection n’a été qu’une des quelques recommandations qui ont été mises en œuvre; les responsables n’ont pas donné suite aux autres recommandations, ou ont laissé entendre qu’elles pourraient être considérées lors de révisions futures.
Couverture du rapport Obstacles. Les visages au centre sont ceux des personnes handicapées qui ont été consultées pour le rapport. De gauche à droite : Denise Beaudry, Craig Ostopovich, Jennifer Myers et Julius Hager.
Des années 1990 aux années 2010 : inaction et lignes directrices
Ces efforts pour faire valoir les droits des personnes handicapées, comme la parution d’Obstacles et les ajouts à la Charte des droits et libertés, n’ont toutefois pas été suivis par d’autres avancées. Le rapport gouvernemental suivant à porter sur les questions entourant le handicap a été Pas de nouvelles, mauvaises nouvelles, en 1988, dont le titre reflète la frustration ressentie par les défenseurs des droits des personnes handicapées face à l’inactivité du gouvernement fédéral. Puis le silence s’est poursuivi pendant une bonne partie des années 1990.
À l’époque, l’Office des transports du Canada (OTC), anciennement l’Office national des transports, était chargé de veiller à ce que les personnes handicapées ne soient pas confrontées à des obstacles de mobilité indus dans les modes de transport de compétence fédérale. Une des façons d’atteindre cet objectif a été de mettre en œuvre, en 1994, des règlements visant la formation du personnel des transporteurs aériens, règlements qui sont toujours en vigueur aujourd’hui. Ils exigent que les compagnies aériennes créent et rendent public un programme de formation pour tous les employés et sous-traitants qui interagissent avec le public, qui fournissent de l’aide physique ou qui manipulent des aides à la mobilité et de l’équipement spécial. L’OTC fournit en outre une courte liste d’éléments à couvrir dans le plan de formation des transporteurs, mais laisse aux compagnies aériennes la possibilité de les interpréter sans d’abord consulter des personnes handicapées ou des organismes de défense des droits des personnes handicapées.
L’OTC a également publié, dans les années 1990 et 2010, des lignes directrices sur l’accessibilité à l’intention des transporteurs aériens. Elles visaient notamment la conception des aéronefs et des aérogares, l’éclairage, les salles de toilette, le rangement des fauteuils roulants et autres éléments des espaces physiques, ainsi que la communication avec les personnes handicapées par de la signalisation, des interactions interpersonnelles et diverses technologies d’assistance. Si ces directives avaient été adoptées en tant que règlements, elles auraient satisfait à de nombreuses revendications des défenseurs des droits des personnes handicapées, mais elles sont restées facultatives – les transporteurs aériens n’étaient pas obligés de les suivre.
2019 et au-delà : le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées
Nous l’avons vu plus tôt, si l’OTC n’a pas été inactif dans la promotion de la mobilité des personnes handicapées dans les années 1990 et 2010, ses approches étaient toutefois rarement contraignantes sur le plan juridique. Mais cela a changé avec la mise en œuvre, en 2019, du Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées (RTAPH), qui est la série de règlements visant l’accessibilité la plus complète de toute l’histoire du transport canadien.
Le RTAPH s’applique à tous les types de transport commercial au pays qui relèvent de la compétence de l’OTC, y compris le train, l’autobus, les traversiers interprovinciaux, les gares et le transport aérien. Le règlement comprend des prescriptions qui s’appliquent à la fois à tous ces domaines du transport, y compris les services que les transporteurs sont tenus de fournir et les exigences techniques spécifiques à chaque secteur. Les normes à respecter par les transporteurs aériens sont semblables aux lignes directrices facultatives de l’OTC concernant les espaces physiques puisqu’elles mettent l’accent sur les caractéristiques physiques de la conception et de l’aménagement des avions.
Conclusion
Le début des années 1980 a marqué un virage dans la législation visant l’accessibilité au Canada, des organismes de défense des droits des personnes handicapées comme la Coalition des organisations provinciales ombudsman des handicapés ayant milité avec succès pour l’inclusion du handicap comme motif de protection dans la Charte des droits et libertés. Hélas, ces efforts n’ont pas entraîné les changements immédiats et efficaces voulus en matière d’accessibilité du transport aérien – ils ont donné lieu à des lignes directrices facultatives plutôt qu’à des règlements juridiquement contraignants. La mise en œuvre du Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, en 2019, a toutefois marqué le début d’un nouveau chapitre dans cette histoire, un chapitre qui ne fait encore que commencer.
Comment le transport aérien accessible au Canada a-t-il évolué depuis la mise en œuvre du RTAPH? Dans quelle mesure est-il efficace? Quelle autre instance, outre l’OTC, a joué un rôle dans l’adoption du règlement? Ces questions et d’autres encore seront abordées dans les articles à venir.
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