Façonner les sons : conceptions innovantes de microphones et leur fonctionnement
La technologie des microphones a révolutionné la façon dont le son est capté et rediffusé. Fondamentalement, un microphone est un transducteur qui convertit les ondes sonores en signaux électriques.
Nous faisons usage de la technologie des microphones tous les jours : en écoutant de la musique, en regardant la télévision, en participant à des vidéoconférences et même en parlant au téléphone. Toutes ces activités impliquent le recours à des micros pour saisir le son de personnes, de lieux et d’objets. Pourtant, nous ne prêtons jamais vraiment attention aux microphones.
Cet été, j’ai eu l’occasion de travailler dans la collection d’artefacts d’Ingenium pour examiner et documenter des vieux microphones, dont beaucoup n’ont pas été vus ni entendus depuis des décennies. Plusieurs figurent parmi les microphones les plus emblématiques de l’histoire de la radiodiffusion et de la musique, comme les séries RCA 44 et 77, la série Shure 55 et autres modèles qui ont considérablement contribué aux progrès de la technologie microphonique au fil du temps.
Après un peu de recherche, j’ai pu comprendre comment la structure interne des différents micros affecte la sensibilité, l’amplification et la transmission du son. Mais en examinant des catalogues de radios d’époque et des publicités de micros de différentes marques, j’ai rapidement compris que les caractéristiques de la conception externe des micros, comme les dimensions, la forme et les matériaux, ont plus d’importance qu’on pourrait le penser.

Certains des anciens microphones contenus dans la collection d’artefacts d’Ingenium.
L’influence des conceptions acoustiques anciennes
La collection de microphones d’Ingenium est vaste, dont certains datent de la fin des années 1800. Les micros sont de tailles, de couleurs, de formes et de types différents : micros à charbon, à condensateur, à ruban, dynamiques, avec fil, sans fil, etc. Lorsque j’ai amorcé ce projet, je connaissais bien peu tous ces termes, mais après avoir étudié minutieusement l’histoire de cette technologie, j’ai appris que les modes de captation interne, la sensibilité et la façon de manipuler les microphones varient grandement d’un modèle à l’autre, ce qui fait que certains types de micros conviennent mieux à certaines applications.
En observant le vaste éventail de micros de la collection d’Ingenium, j’ai rapidement remarqué que ces artefacts diffèrent aussi par leurs formes et leurs conceptions. Je me suis alors demandé comment ces attributs physiques pouvaient également contribuer à la manière dont le son est capté.
Un des microphones m’a fait penser au Colisée, à Rome, ce qui m’a fait réfléchir à la relation entre l’acoustique et la conception.

Le Colisée de Rome comparé au microphone parabolique Dan Gibson.
Si les micros n’existaient pas dans le monde ancien, cette technologie a de profondes racines dans l’ingéniosité acoustique des Grecs et des Romains de l'Antiquité. Avant l’arrivée du microphone moderne, certaines structures, comme les théâtres et les amphithéâtres, étaient délibérément construites en forme de cercle ou de demi-cercle pour améliorer l’expérience acoustique de l’auditoire. De plus, l’utilisation judicieuse des pentes naturelles sur lesquelles ces amphithéâtres étaient construits, les sièges placés en courbe et le choix des matériaux (comme la pierre) contribuaient aussi à mieux réfléchir le son et à l’amplifier dans tout le théâtre, de sorte que même les personnes assises à l’arrière ou en hauteur pouvaient entendre ce qui était présenté sur la scène. Si la conception d’environnements acoustiques comme le Colisée n’est pas exactement la même que celle des microphones modernes, un principe fondamental demeure le même : en disposant les matériaux d’une façon particulière, on peut influencer le comportement du son, la manière dont nous l’utilisons et la façon dont nous le percevons.
Voyons maintenant quelques modèles de la collection d’Ingenium pour illustrer ce point.
Des formes qui façonnent le son
Le microphone parabolique Dan Gibson
Le microphone parabolique Dan Gibson est considéré par tous comme étant un micro durable capable de capter les détails des sons naturels avec une formidable clarté, même à de très grandes distances. Il utilise un réflecteur parabolique en plastique rigide dont la forme rappelle celle d’un amphithéâtre antique, quoiqu’il fonctionne à l’envers : plutôt que de projeter le son vers l’extérieur, la forme incurvée du réflecteur sert à regrouper les vibrations d’ondes sonores entrantes et à les concentrer au centre du micro. Cette conception permet au micro de capter avec précision les sons faibles et lointains, ce qui le rend idéal pour l’enregistrement d’animaux sauvages et de certains événements sportifs. La forme du réflecteur parabolique permet également de minimiser les bruits de fond indésirables, assurant ainsi que les sons voulus sont captés avec précision et clarté.

Un microphone parabolique Dan Gibson (1976).
Le microphone canon
Les microphones canon sont les micros les plus faciles à reconnaître étant donné leur forme particulière, et leur taille peut varier de 23 cm (9 po) à 2,13 m (7 pi) de long! Comme le modèle parabolique Dan Gibson, les micros canon sont conçus pour capter le son venant principalement d’une direction, rejetant tous les autres bruits provenant des côtés et de l’arrière. Comme son nom l’indique, ce micro est doté d’un long tube d’interférence étroit, souvent en métal, qui présente des fentes stratégiquement placées qui permettent d’annuler les sons qui ne proviennent pas de la direction visée. Ce fonctionnement discriminatoire permet de cacher le micro sur scène ou à l’écran tout en assurant une prise de son précise du sujet voulu. Étant donné ces attributs, ce microphone est largement utilisé pour capter les sons pour la production de films et d’émissions de télévision et la captation d’événements sportifs ou autres en direct, d’entrevues, de commentaires, de dialogues entre artistes sur scène – bref, pour toutes les circonstances où on veut exclure les sons ambiants.

Le microphone Cardiline, modèle 642 d’Electro-Voice, avec sa perche (vers 1963).

Microphones canon. De haut en bas : Cardiline, modèle 642 d’Electro-Voice (vers 1963), Cardiline, modèle 644 « Sound Spot » d’Electro-Voice (1960), et le modèle MK 415T de Sennheiser (vers 1960).
Le microphone labial
Je crois que le microphone labial est mon préféré. Bien qu’il fonctionne comme un microphone à ruban ordinaire, c’est sa pièce incurvée qu’on appelle la « lèvre » qui rend ce modèle particulièrement unique. Ce micro est conçu pour être tenu à proximité de la bouche, ce qui assure une sensibilité maximale à la voix de la personne tout en réduisant les bruits de fond. L’élément en saillie qui le caractérise est conçu pour être posé juste au-dessus de la bouche, de manière que l’orateur place le micro exactement au bon endroit pour assurer une captation optimale de sa voix. Ce type de microphone est souvent utilisé « sur le terrain », c’est pourquoi beaucoup l’appellent le micro des commentateurs sportifs.

Gros plan de la « lèvre » du microphone labial STC 4104.

Le microphone labial STC 4104 (vers 1961).
Une esthétique fonctionnelle
Comme le montrent les exemples ci-dessus, la forme, les dimensions, les caractéristiques et la conception d’un microphone ne sont pas une question d’esthétique : ils jouent un rôle crucial dans la fonctionnalité du micro et son adéquation dans telles ou telles applications. Le design d’un micro peut ainsi donner des indices sur son utilisation, ses utilisateurs et les environnements dans lesquels il est utilisé, que ce soit pour capter les sons de personnes ou de la faune, de près ou de loin, dans des environnements calmes ou bruyants, etc. Ainsi, la prochaine fois que vous verrez un micro à l’écran ou « en vrai », prenez le temps de remarquer sa forme et demandez-vous comment – tout comme les spectateurs au Colisée à Rome – sa conception particulière influence votre expérience sonore de façon unique et importante.
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